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La situation des travailleurs et des entreprises face au Covid-19


Posté le 1 avril 2020 dans Actualités

En cette période de crise sanitaire sans précédent, la situation des travailleurs frontaliers et résidents a radicalement été bouleversée. Les entreprises ont dû faire face rapidement et doivent toujours composer avec une situation inédite et inattendue : la pandémie liée au Covid-19. Au sein de cette Newsletter touchant le vif de l’actualité, il conviendra d’évoquer les principales questions qui préoccupent les travailleurs luxembourgeois mais aussi bien entendu les entreprises qui les emploient.

Au fil des jours et des heures, les annonces gouvernementales et européennes qui se succèdent ne font qu’alourdir les mesures et les restrictions notamment celles concernant le confinement.

La crise du Covid-19 impose aux entreprises d’adapter leur organisation de travail en urgence. De nombreuses questions se posent à elles alors qu’elles doivent mettre en place les mesures nécessaires, tout en restant conformes au Code du travail et aux décisions prises en urgence par le Gouvernement.

Voici une liste de questions-réponses non exhaustive permettant de tenter de clarifier la situation pendant cette période difficile.

  1. L’employeur peut-il interdire l’accès de l’entreprise à un salarié en période de coronavirus ?

Oui, l’employeur peut refuser l’accès à un salarié au sein de l’entreprise en raison de la pandémie de Covid-19.

En effet, s’il existe un véritable risque de contamination pour les salariés, l’employeur a la possibilité de prononcer un tel refus.

Dans ce cas, l’employeur doit dispenser expressément les travailleurs de l’exécution de leur contrat de travail et continuer à leur verser leur salaire.

2. L’employeur peut-il imposer aux salariés de prendre leurs congés légaux par crainte que le Coronavirus ne se propage dans son entreprise ?

Non, l’employeur ne peut pas forcer ses salariés à prendre leur congé légal, congé sans solde ou, le cas échéant à utiliser leur compte-épargne temps par crainte que le Covid-19 ne se propage au sein même de son entreprise.

Si l’employeur décide de contraindre ses salariés à rester chez eux par mesure de précaution, il doit les dispenser expressément de l’exécution de leur travail et continuer à verser les salaires.

3. Le recours au télétravail peut-il être imposé à titre préventif pour les salariés dont la nature du travail le permet ?

Oui, en référence à l’article L.312-1 du Code du travail concernant l’obligation légale de l’employeur en vue d’assurer la sécurité et la santé des salariés, ce dernier est en droit d’imposer de manière préventive le télétravail.

En effet, l’employeur est tenu d’éviter les risques, de planifier la prévention des risques et de supprimer les dangers ou, le cas échéant, les réduire au maximum.

 L’employeur a également l’obligation de mettre à disposition du salarié le matériel nécessaire.

Enfin, un avenant au contrat de travail devra en principe être effectué ou un autre accord bilatéral permettant le recours au télétravail pour des raisons objectivement motivées par des mesures de précaution dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Au regard des conventions préventives de la double imposition, les travailleurs frontaliers belges, français et allemands ne doivent normalement pas dépasser un certain seuil annuel de télétravail, à savoir :

  • 24 jours pour les travailleurs frontaliers belges ;
  • 29 jours pour les travailleurs frontaliers français ;
  • 19 jours pour les travailleurs frontaliers allemands.

Cependant, au regard du contexte actuel, et en raison des mesures de confinement mises en place, les Etats impliqués sont appelés à assouplir les règles en matière de télétravail.

  • Belgique : Accord belgo-luxembourgeois officiel : les jours de télétravail effectués à partir du samedi 14 mars, non prise en compte des jours télétravaillés dans le contexte COVID 19 dans le total des 24 jours fiscalement tolérés.
    • France : Tous les frontaliers français amenés à télétravailler durant la crise du Covid-19 n’ont plus à se soucier de la limite des 29 jours.

La situation actuelle constituant un cas de force majeure, la France et le Luxembourg ont convenu que « la présence d’un travailleur à son domicile pour y exercer son activité, pourra ne pas être prise en compte dans le calcul du délai de 29 jours ». Cette décision est rétroactive : elle est valable depuis le samedi 14 mars et jusqu’à nouvel ordre.

  • Allemagne : En cours de discussion.

4. Est-ce que le salarié peut demander à son employeur de faire du télétravail par crainte du coronavirus ?

Oui, mais l’employeur n’a en principe aucune obligation de faire droit à cette demande.

Par contre, comme l’employeur est tenu d’encourager ses salariés à faire du télétravail, il lui est conseillé de limiter son refus aux besoins impérieux du service.

5. Quelle est la situation d’un salarié placé en quarantaine ?

Tout d’abord, le salarié frontalier placé en quarantaine par l’autorité nationale de son pays de résidence est protégé contre un éventuel licenciement pour absence non justifiée.

En effet, si l’inspection sanitaire décide d’une mesure de mise en quarantaine, les salariés frontaliers résidant en France, en Belgique ou en Allemagne recevront de la part de leur instance nationale compétente un certificat médical d’incapacité de travail.

Les règles générales prévues par l’article L. 121-6 (protection contre le licenciement du salarié en incapacité de travail) du Code du travail luxembourgeois s’appliqueront.

Ce certificat médical aura exactement la même valeur de protection que celui établi par l’autorité compétente luxembourgeoise. (« Avis d’interruption de travail » (FR), « certificat d’incapacité de travail » (BE) ou « Arbeitsunfähigkeitsbescheinigung » (DE)).

Pendant la durée de la quarantaine couverte par ce certificat médical d’incapacité de travail, les salariés toucheront l’indemnité pécuniaire de maladie classique.

6. Le salarié peut-il refuser de se déplacer en raison du risque que représente cette pandémie de coronavirus ?

Oui, concernant les déplacements du salarié, ce dernier a tout à fait le droit de refuser de se déplacer. L’employeur ne peut le contraindre ni le forcer.

En effet, le salarié à qui il est demandé de se déplacer au sein d’une zone contaminée pourra alors exercer son droit de retrait.

Toutefois, ce droit n’est pas absolu et peut être considéré comme abusif surtout si le déplacement concerne une zone qui n’est pas considérée à risque.

Le salarié a également tout à fait le droit de refuser de télétravailler, ce qui n’est certes pas sans poser la question de sa responsabilité au cas où le salarié viendrait à contaminer d’autre salarié.

Dans ce cas le salarié pourrait voir engager sa responsabilité civile ou pénale.

7. Coronavirus Covid-19 : Quelle prise en charge par la Sécurité Sociale ?

Pour rappel, les frontaliers peuvent travailler un certain seuil de jours dans l’année dans leur pays de résidence sans que cela n’ait de conséquence sur leur sécurité sociale.

Ce seuil équivaut à travailler moins de 25% de son temps dans son pays de résidence et d’y percevoir moins de 25% de sa rémunération. Ce seuil s’évalue sur une année civile.

En cas de dépassement de ce seuil, le travailleur doit alors être affilié à la sécurité sociale de son pays de résidence et y cotiser pour l’ensemble de ses revenus.

À l’heure actuelle, en raison du cas spécifique du télétravail lié au Coronavirus, la Direction de la sécurité sociale française considère que la situation constitue un cas de force majeure.

Le télétravail dans ces circonstances exceptionnelles ne devrait dès lors pas donner lieu à une modification de l’affiliation du travailleur concerné à son régime habituel de sécurité sociale.

En effet, si le seuil de 25% est dépassé en raison de la pandémie de covid-19, il est envisagé la possibilité pour le travailleur frontalier de rester affilié à la sécurité sociale dans le pays où il travaille habituellement.

8. Quid des congés pour raisons familiales ?

Lorsque les enfants sont confinés à domicile du fait de la fermeture des écoles, que leur garde n’est pas possible et que les parents ne peuvent pas recourir au télétravail, les parents concernés ont la possibilité de recourir à des congés pour raisons familiales.

Il est important de noter que si l’enfant (dont la garde est impossible) est âgé de 13 ans ou plus, le salarié n’a pas le droit de prendre congé pour raisons familiales dans le cadre des mesures actuelles.

En cas de congé pour raisons familiales, ces jours ne seront pas comptabilisés et ce, pour une durée illimitée jusqu’à la fin de la pandémie. Il s’agit là d’une mesure spéciale et exceptionnelle liée à cette crise sanitaire.

Cette prolongation du congé pour raison familiales lié au coronavirus sera applicable jusqu’à la fin de la suspension des activités des écoles et des structures d’accueil, actuellement prévue jusqu’au 19 avril inclus et y compris pendant les vacances de Pâques. 

Le congé pour raisons familiales peut être pris par un parent d’un enfant visé s’il n’existe pas d’autres options pour assurer la garde de l’enfant.

En cas de nécessité, les parents peuvent alterner le congé pour raisons familiales.

Dans ce cas, chaque parent doit introduire un formulaire présenté ci-dessous.

Par ailleurs, il est déconseillé qu’une personne vulnérable assure la garde d’un enfant.

Dans le cadre des mesures prises par le gouvernement visant à limiter la propagation du coronavirus « COVID-19 », les services compétents ont élaboré un formulaire spécifique pour les parents qui doivent assurer la garde de leur(s) enfant(s) âgé(s) de moins de 13 ans en ayant recours au dispositif légal du « congé pour raisons familiales ».

(https://cns.public.lu/dam-assets/formulaires/cprf-covid/certificat-de-demande-pour-CRF-v5.pdf

9. Quid de l’impôt sur le revenu, de la TVA et des charges sociales ?

Les personnes morales et les personnes physiques qui exercent une activité commerciale ou libérale peuvent demander :

  • Une annulation de leurs avances trimestrielles de l’impôt sur le revenu (des collectivités) et de l’impôt commercial communal du 1er et 2e trimestre 2020, pour les entreprises en mesure de justifier ses problèmes deliquidités.
  • Un délai de paiement pour les impôts venant à échéance après le 29 février 2020, à savoir l’impôt sur le revenu (des collectivités), l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune.

Enfin, par ailleurs, la date limite pour la remise des déclarations d’impôt 2019 est reportée au 30 juin 2020.

Cette décision est applicable aux personnes morales et aux personnes physiques, tout comme aux contribuables souhaitant demander, modifier ou révoquer leur choix d’imposition individuelle.

Concernant la question de la TVA, l’AED (Administration de l’Enregistrement des Domaines) remboursera dès cette semaine tous les soldes créditeurs TVA en dessous de 10.000 euros.

Un éventuel dépassement d’une date-limite de dépôt pour les déclarations TVA ne sera pas sanctionné administrativement.

Cette tolérance s’applique pour le dépôt de la déclaration jusqu’à indication contraire donnée par l’administration.  

Le Centre commun de la sécurité sociale (CCSS) et le ministre de la Sécurité sociale ont pris une série de mesures pour soutenir les sociétés et les indépendants par une flexibilité accrue dans leur gestion du paiement des cotisations sociales en leur offrant plus de flexibilité.

Dès lors, le CCSS mettra en place les mesures temporaires suivantes à partir du 1er avril 2020 :

  • Suspension du calcul des intérêts moratoires pour les retards de paiements ;
  • Suspension de la mise en procédure de recouvrement forcé des cotisations ;
  • Suspension de l’exécution de contraintes par voie d’huissier de justice ;
  • Suspension des amendes à prononcer à l’encontre d’employeurs présentant des retards en matière des déclarations à effectuer auprès du CCSS.

Ces mesures perdureront jusqu’à ce que le conseil d’administration du CCSS constate qu’elles n’ont plus raison d’être appliquées. 

Elles permettront à l’employeur qui, suite à la crise COVID-19, se trouve dans une situation financièrement précaire de mieux gérer le paiement de ses cotisations sociales dans les semaines à venir, sans pour autant devoir craindre des sanctions administratives.

10. Dans ce contexte de crise sanitaire, une aide financière pour les entreprises est-t-elle envisagée ?

Pendant cette période de crise du Covid-19, la Direction générale des classes moyennes a mis en place un fonds d’urgence à destination des très petites entreprises et des indépendants.

En effet, les entreprises de maximum 9 salariés et les indépendants qui sont en possession d’une autorisation d’établissement valable délivrée avant le 18 mars 2020 pourront introduire une demande pour bénéficier d’une aide financière immédiate et non remboursable de 5.000 euros.

Pour bénéficier de cette aide, les entreprises doivent réaliser un chiffre d’affaires annuel de minimum 15.000,-€ et leur activité doit être interrompue suite à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

L’objectif de cette mesure est d’apporter un soutien financier immédiat aux nombreuses entreprises de très petite taille ainsi qu’aux indépendants.

Récapitulatif des entreprises éligibles :

  • Aux seules entreprises disposant d’une autorisation d’établissement valable délivrée par la Direction générale des classes moyennes et qui ont entre 0 et 9 salariés.
  • aux seuls indépendants disposant d’une autorisation d’établissement valable délivrée par la Direction générale des classes moyennes et dont l’effectif total ne dépasse pas 9 salariés, dont l’indépendant lui-même.
  • aux seules entreprises qui ont dû interrompre leur activité suite à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 (Idem pour les indépendants) ;
  • l’entreprise demanderesse (respectivement l’indépendant) doit avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel de minimum 15.000 euros.

À noter : Ces conditions sont cumulatives. Le demandeur bénéficiaire de plusieurs sociétés ne pourra introduire une demande d’aide que pour une seule des sociétés.

https://guichet.public.lu/fr/entreprises/financement-aides/coronavirus/fonds-urgence-petites-entreprises-independants.html

11. Comment fonctionne le chômage partiel dans le contexte actuel ?

Si votre entreprise, un ou plusieurs départements de votre entreprise, ne peuvent plus fonctionner normalement ou se trouvent totalement à l’arrêt en raison :

  • d’absence de personnel dues à des décisions externes liées au coronavirus ;
  • de recul important de la demande des clients dû au coronavirus ;
  • du fournisseur qui ne peut plus vous livrer en matières premières pour des raisons dues au coronavirus ;

Alors, le régime du chômage partiel pour cas de force majeure peut s’appliquer pour les salariés qui n’ont pas de certificat d’incapacité de travail et que vous ne pouvez plus occuper à temps plein.

L’Etat rembourse à l’entreprise 80 % des salaires normalement perçus par les salariés concernés pendant les heures chômées.

Le remboursement est limité à 250 % du salaire social minimum. L’entreprise reste redevable des charges sociales et des salaires se rapportant aux heures travaillées.

Afin de bénéficier de ce régime, une demande écrite doit être introduite par l’employeur ou son représentant, auprès du secrétariat du Comité de conjoncture lié au Ministère de l’Economie.

Dans les faits, il existe un formulaire qui doit être co-signé par le président de la délégation du personnel ou son représentant.

La crise liée de pandémie du Covid-19 étant considérée comme un cas de force majeure, le délai habituel pour déposer une première demande de chômage partiel ne s’applique pas.

https://guichet.public.lu/fr/entreprises/financement-aides/coronavirus/fonds-urgence-petites-entreprises-independants.html

12. Quid d’un accident du travail pendant le télétravail ?

En cas d’accident de travail lors d’un télétravail, le salarié doit en avertir immédiatement son employeur comme s’il se trouvait sur son lieu de travail habituel.

13. Une personne souffrante, dite vulnérable peut-elle continuer à travailler ?

Par définition, les personnes dites vulnérables sont celles de plus de 65 ans ou celles qui souffrent déjà d’une des maladies listées ci-après présentent un risque accru de développer des complications sévères. Les maladies concernées sont :

  • le diabète ;
  • les maladies cardio-vasculaires ;
  • les maladies chroniques des voies respiratoires ;
  • le cancer ;
  • une faiblesse immunitaire due à une maladie ou à une thérapie.

Ces personnes vulnérables sont autorisées à continuer de travailler, mais leurs employeurs sont tenus de les protéger tout particulièrement au sein de l’entreprise.

Par exemple, l’employeur se doit d’éloigner les personnes vulnérables des autres collaborateurs ou en leur proposant de faire du télétravail. 

L’employeur se doit d’inviter toutes personnes vulnérables à se manifester en vue d’établir une solution protégeant au mieux la santé des salariés.

Si le médecin traitant estime que la personne vulnérable ne peut plus continuer à exercer son activité, il délivre alors un certificat d’incapacité de travail.

14. Vers qui doit se tourner le salarié frontalier souffrant des symptômes type Covid-19 (fièvre, toux) ?

Le salarié frontalier doit s’adresser à la fois à l’autorité sanitaire luxembourgeoise (en contactant la Hotline : 8002 8080) et à l’autorité compétente de son pays de résidence.

Pour la France, c’est le SAMU Centre 15, pour l’Allemagne il doit composer le 116117, et pour la Belgique c’est le 112.

Nous espérons avoir pu répondre à vos principales interrogations durant cette période plus que chaotique.  Nous souhaitons également évidemment que cette situation ne perdure pas trop longtemps, car, outre le problème sanitaire d’envergure, elle pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur l’économie et la santé des sociétés au niveau local et international, malgré les efforts financiers ou autres mesures d’allègement ou de soutien prises par les Etats membres concernés, dont le Luxembourg qui ne ménage pas ses efforts.

L’horizon de l’« après-Corona » paraît pour l’instant bien flou et incertain.

Me Pascal PEUVREL                                                         Me Romain Hellenbrand

Avocat à la Cour                                                                         Avocat

pascal.peuvrel@jurislux.eu

www.jurilslux.eu

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